mardi 19 juin 2007

Francis 1977-2004

J’ai écrit ce qui suit il y a déjà plusieurs semaines. J’avais finalement décidé de ne pas le publier pour toutes sortes de raisons. Mais des fois la vie t’amène des circonstances qui t’obligent à changer d’idée.

J’ai rencontré quelqu’un que j’apprécie beaucoup la semaine dernière, et l’on s’est revu déjà quelques fois. Au fil de nos conversations, j’ai su qu’il lisait mon blog. Je ne m’en doutais pas du tout, lui en n’ayant jamais parlé. Il y a quelques jours, il m’a apprit qu’il venait de recevoir le diagnostic d’une maladie sérieuse. Ses chances de guérison sont excellentes, mais il me semble très négatif, semble ne pas vouloir se battre, on jurerait qu’il a lancé la serviette.

Alors pour lui, lui montrer que rien n’est jamais perdu, je lui écris mon histoire. En personne, je n’ai trouvé le moyen de le dire. Les personnes qui me connaissent seront probablement surprises de l’apprendre. Sachez que dans tout le processus, je m’étais fait extrêmement discret, question de garder mon positivisme à 100% en tout temps et éviter d’avoir trop de gens down autour de moi.

Ce texte est long, mais mon but est qu’au minimum cette personne se reconnaîtra et réalisera qu’il n’est pas déjà mort…

Le commencement, mars 2004

Depuis déjà plusieurs mois, je ressentais souvent de violent maux de tête qui n’étaient que très brefs, mais d’un intensité extrême, aussi des douleurs dans le bas du dos qui devenaient de plus en plus fréquentes. Pour que je décide d’aller consulter un médecin, il fallait quand même que ce soit atroce (je suis quand même celui qui à marché sur un pied fracturé à 3 endroits pendant plus d’une semaine avant d’aller se faire plâtrer se disant que ça allait passer…). Bref je prends rendez-vous avec Marc (ami et médecin) pour qu’il puisse me faire un tune-up.

Je lui explique ce qui ne va pas, il me fait passer 53 000 tests; interminables. Fixe un rendez-vous pour la semaine suivante pour voir tous les résultats. J’y retourne donc la semaine suivante.

Entre dans le bureau de Marc, il me regarde avec un air de gars-qui-se-force-pour-pas-brailler-parce-que-c’est-un-gars-mais-que-ça-parait-tellement. Je m’approche et je lui demande ce qui ne va pas, il se lève, me serre dans ses bras. Bon, jamais notre amitié ne s’était rendue à l’accolade virile, mais bon, il semble tristounet, je le serre à mon tour me disant que ça allait lui faire du bien. « C’est quoi qui va pas mon Marc ? ».

Il prend son téléphone appelle un de ses collègues et lui dit « je serai pas capable finalement ». Son collègue arrive dans le bureau, Marc lui tend mon dossier. « Francis, ce que nous devons te dire est plutôt difficile, nous avons eu les résultats de tous tes tests et nous n’avons pas de nouvelles encourageantes, même que c’est grave ». Ok à ce moment, dans ma tête, on est en train de me faire une ostie de bonne joke, y’a des caméras cachées, Marcel Béliveau va sortir du garde-robe pis on va en rire tout un coup. J’ai attendu un peu, le moustachu ne sortait pas du garde-robe.

« L’ironie c’est que tu es en parfaite santé mis à part ce dérèglement de croissance dans ta moelle épinière. » Et là il se met à m’expliquer avec des termes de 400 points au scrabble ce dont il s’agissait exactement. Je vous résume : ta colonne à repris sa croissance, mais tout ce qui y est relié et vital tout autour ne suivent pas. « Ok, c’est beau, c’est quoi le traitement, dans combien de temps je vais pouvoir sacrer mon camp d’ici ? ». Entre temps une dame entre dans la pièce et se présente comme étant psychologue. « Il est là le problème ». Et là Marc finit par verser les larmes qu’il semblait retenir si fermement. « C’est un état extrêmement rare, le système de santé québécois n’à aucun traitement». La madame vient s’asseoir tout près de moi et me tient la main. « Bon ok, euh, Francis, c’est un état sérieux, ta douleur augmentera de jour en jour et dans le meilleur des cas l’espérance de vie, dans les rares cas qu’il y a eu au Canada, est d’environ 6 mois. Mais t’en fais pas on pourrait faire des tests, bla, bla, bla… ».

Comme toujours quand je ne sais pas quoi dire, que je suis déstabilisé, ben je dis des niaiseries, et cette fois n’a pas été une exception : « Bon ben je m’achète un billet pour Amsterdam pis je pars demain, la seule place sur terre ou la prostitution, la marijuana et le suicide assisté est légal ». J’étais celui qui semblait le moins débinés dans la pièce. Je crois que ça ne m’avait pas frappé encore. C’est là que Marc est venu me voir et m’a murmuré à l’oreille pour que ses collègues n’entendent pas « Tu vas voir, on va trouver quelque chose, y’a moyen, je connais plein de gens pis on va se battre, c’est pas vrai que je vais rester les bras croiser, t’as pas à un cobaye ».

Alors c’est ce que nous avons fait. Je leur ai dit que je n’allais pas être le rat de laboratoire qu’ils auraient voulu que je sois et j’ai refusé ce qu’ils m’ont offert, ayant décidé de passer au travers avec quelqu’un en qui j’avais confiance. Au début, un traitement expérimental ici au Québec venant d’une institut de recherche. Des injections directement dans la moelle épinière à la manière d’un épidurale, mais avec une aiguille qui d’après moi devait être réservé à l’anesthésie des baleines bleues, immensément épeurante. Après 10 des 12 traitements prévus, rien ne se passait, mon organisme rejetait le traitement avant qu’il ne fasse effet. Marc s’était démené pour trouver d’autres alternatives entre temps, mettant même en danger son droit de pratique… Il a finalement trouvé, vive les USA avec leur traitement, c’est dispendieux, mais ça pourrait me sauver et déjà 8 semaines des 24 qui me restent sont passées. Alors on brise le cochon, dévalise une banque, arnaque quelques petits vieux, hypothèque l’avenir que j’aurais peut-être pas finalement. C’est ma dernière chance. C’est un traitement de type « do or die ». Si ça fonctionne, tu es sauvé, si ça ne fonctionne pas, tu y restes, tu ne reviens même pas, tu ne te relèves même pas de la table.

Dans ma tête mon infaillibilité face à cet état ridicule qui m’accablait, ridicule car c’était mon attitude face à tout ça, je crois vraiment avoir gardé le moral et c’est ce que je voulais, je pense que mon positivisme m’a permis de tenir. D’où ma décision dans tout ce processus de ne pas impliquer ma famille, j’avais quelques amis au courant et ça me suffisait. Ils ne savaient même pas ce que j’avais, ne savais même pas que je n’en avais probablement pas pour longtemps encore. À ce moment nos rencontres étaient plutôt rare et ça adonnait très bien. Je ne voulais pas les impliquer car je ne voulais pas avoir personne autour de moi qui allais me prendre en pitié, être en peine pour moi car dans ma tête, le seul moyen d’en sortir c’était de rester positif et sur-confiant (j’ai fini par leurs en parler et sont maintenant au courant).

Avant d’aller faire ce traitement, c’est là que j’ai un peu regretté, ne pas pouvoir leur dire que je les aimais, que tout allait être correct… Laissez une lettre sur le coin de la table à tous ceux que tu aimes avant de partir pour le dit traitement ça été dur, encore plus de l’écrire. Le papier trempé par les larmes n’est pas très lisible… Faire son testament à 26 ans… c’était pas dans mon plan de carrière.

J’y suis allé, je suis passé très près de ne jamais revenir (disons que ma forte constitution m’a sauvé), mais je suis revenu. Je n’avais pas le choix, je l’avais promis, à des amis, mais surtout à moi-même. Le plus beau feeling en revenant à la maison, détruire les dites lettres et se promettre de dire à ceux que j’aime que je les aimes avant d’être acculé au pied du mur. Alors celui qui se disait redevant envers moi pour l’avoir sauvé, me sauve à son tour en remuant mer et monde afin de trouver remède à mes maux.

Aujourd’hui je suis en excellente santé, oui j’ai des petites séquelles, mais bien mince à comparer de la fatalité annoncée. La « rémission » est complète et les chances de rechute sont estimées à 0%, donc tout est bien. Les douleurs au bas du dos s’endurent surtout quand tu repenses aux douleurs du passé. Les petites choses que je ne peux plus faire avec autant de facilité, sont rien à comparer de tout ce que je peux encore faire.

Alors pour un gars qui s’était fait dire à 26 ans de faire ses pré-arrangements funéraires, à qui on donnait 0% de chance au Québec et où l’on estimait à moins de 15% mon retour vivant des traitements aux USA… Je suis encore là non ?

Alors à toi qui sais que je parle de lui, rien n’est jamais perdu d’avance.

23 commentaires:

Kara a dit...

C'est clair que c'est ton attitude qui t'a sauvé. Et je dis la même chose à ton ami qui pense que c'est fini ; la clé c'est de se battre. Quand on est malade, tout ce qui nous reste, c'est le bout de vie qu'on nous donne devant nous. Alors si y'a quelque chose à sauver, c'est bien ça.

J'ai côtoyé des cancéreux dans un centre de cancérologie l'an dernier à l'occasion d'un tournage avec Georges Thurston, aka Boule Noire.. Et tu sais quoi ? 90% des patients qui venaient là une fois par deux semaines pour des traitements se tapaient dans le dos en riant des jokes des uns et des autres. Y'en avait une gang, branchés là et souffrant probablement, mais qui nous souriaient parce qu'ils étaient confiants. L'un qui riait avec sa blonde, l'autre qui lisait son 7 jours avec son Ipod... Et que dire de Georges lui-même... Il a perdu sa bataille cette semaine, mais son positivisme et son désir de vivre ce qu'il lui restait de vie lui a sûrement permis d'en gagner un peu.

Si tout ce qu'il te reste, c'est quelques mois ou quelques années à vivre, faut te dire que ta seule bataille à mener, c'est d'allonger ça. Et d'arriver à être capable, comme Francis, à faire le même speech à une autre personne malade un peu découragée...

Pis toi Francis, ben tu nous étonneras toujours... C'est vraiment impressionnant tout ça, et tu as toute mon admiration.

Marieve Gagné a dit...

C'est par cette histoire que je t,ai "connu", je la relis ce soir et en plus de trouver que tu racontes bien, je sais que ton ami va y trouver ce qui est important pour passer au travers des épreuves que l'on doit traverser.

Merci de l'avoir raconté à tous...

All The Music News a dit...

C'est ma deuxième visite ici! On passe du vin en carton à cette histoire.

J'admire ton courage, étant à la base quelqu'un de trop négatif je me serais sûrement effondré à la réception du diagnostic.

C'est clair que l'attitude positive y est pour beaucoup sinon tout. T'es chanceux d'avoir un ami comme ce Marc aussi.

Anonyme a dit...

Chapeau !
Pour ton esprit super positif!
Pour avoir pensé épargné ta famille !
Et pour l'avoir écrit.
Super exemple, man !!!

Anonyme a dit...

Merci de partager ça avec nous...une histoire très personnelle..mais plein de gens peuvent y puiser une leçon! :))

Bekkie a dit...

Wow, belle note de courage mon Francis, je te dis merci. Tu le sais, et tous ceux qui lisent mon blog le sait, je suis en deuil en ce moment... mais lire ton blog, ce text encore une fois si bien écris, ca me fait du bien. Pas que ton ancienne douleur me nourris, NON, mais ta force de continuer. Cela m'a donné comme un deuxième souffle ce matin. Alors que je me réveillais encore avec la rage au coeur, la larme a l'oeil.. un café a la main, ton text a été comme une dose de force et de courage qu'on m'injectait directement dans les yeux. Tu es grand Francis... Tu as une grandeur d'ame exeptionnelle! Si seulement jétais aussi forte! Je me sens souvent tres faible, mais avec ce que tu as écris, je le vois bien, s'apitoyer sur son sort ca mene à rien, et si tu te bat tu t'en sort!

Alors je vais me battre, penser à mon parrain mais ne pas maudir les années que je n'aurai pas avec lui. Plutot je vais me rappeller ce quil m'a appris tout au long de ma vie, et ses sourir quand je ne feelais pas, et surtout, la fiereté dans ses yeux quand il a sue que jadore mes études et quon essaie davoir un ptit bébé...

Merci de nous avoir partagé ca, pour moi, ca m'ouvre les yeux sur la vie quil me reste!

MERCI de tout mon coeur!

Dianerythme a dit...

(silence)... Je suis très émue...
Il est difficile pour moi d'écrire tellement.. tellement je suis touché..(silence) Je voudrais écrire quelques chose qui me rejoint mais je n'y arrive pas l'émotion est trop forte, je vais rester avec ce que cela me fais vivre et rien ajouter, sauf merci Francis...(silence)...xox

Anonyme a dit...

Tout simplement WOW. Super beau message à passer dans ton histoire!

Chocolyane a dit...

Well... C'est très généreux à toi de te mettre à nu comme ça pour sauver ton ami. J'espère que cette personne réalise à quel point tu l'aimes, et à quel point tu tiens à elle.

T'en a eu des coups durs, toi... Un vrai battant. Je te lève mon chapeau... Ce qui ne nous détruit pas nous rend plus fort... T'es un vrai Hulk.

iBen a dit...

Tout mignon tout beau ce message... Ça brasse les puces et ça replace les idées! Bravo!

Anonyme a dit...

Le courage et la force que tu as démontré pour t'en sortir me scie en deux... Et avoir la même force de le partager avec nous aujourd'hui, ça nous amènes à te reconnaitre bien au delà de l'être qui écrit des texte: on reconnait l'humain.

Bravo, de tout coeur. xox

moi m'aime a dit...

Super beau témoignage et un don de toi extraordinaire

Dame Galadriel a dit...

Tout un texte, toute une expérience que tu as due vivre. Ton courage et ton positivisme sont admirable. Je te lève mon chapeau.

Anonyme a dit...

**sans mots**
je vais digerer ca et essayer de rien te sortir de ketaine .

Isapooh a dit...

Wow...

Je sais pas comment je réagirais être dans une telle situation...mais chose certaine, j'aimerais être comme toi. Ou au moins avoir quelqu'un près de moi comme ça.

Il paraît qu'on apprend des expériences et des coups durs de la vie, et ton ami est très chanceux que tu lui partage ton expérience...vraiment...!

Karyne a dit...

Tu es vraiment quelqu'un d'extraordinaire...

Je suis bien contente que tu sois toujours là, bien vivant.. les mots me manquent, mais les pensées y sont... je trouve que tu es un ami remarquable, un être doté d'une grande force...

Chapeau Francis..

xxxxxxxx

Blogueuse Cornue a dit...

Ton texte est extrêmement touchant, c'est une belle leçon de vie. J'aimerais avoir le quart de ton courage.

NONE a dit...

Je suis sans mots devant une telle démonstration de courage et de persévérance ! Tu es vraiment un être exceptionnel ! J'te connais que sur les blogs - et pas beaucoup non plus - mais ça transparaît dans tes écrits ...

J'espère que ton ami saura puiser en lui pour trouver la force de se battre et ainsi pouvoir prouver à la médecine que lui aussi est un gagnant :)

Bisous Francis !! xox

Mijestam a dit...

Un gars avec une attitude comme la tienne est assuré de traverser le cap des 100 ans! Chapeau Francis! Très touchant ce petit bout de vie. Tu me touches toujours par tes écrits que ce soit ton humour ou tes peines qui y soient transposés. Tes outils de battant t'ont fait gagner la vie et ça explique ce qu'on ressent en te lisant, i.e. que rien n'est impossible.

J'espère que cette personne pour qui tu dédies spécialement ce texte saura y trouver un peu de courage et de force pour traverser la difficile épreuve qui lui est envoyée.

Merci Francis, merci beaucoup!

Razberry a dit...

Je suis tout simplement sans mot!!!


Un texte qui porte a reflechir..et comme on le disait plus haut Chapeau!! Comme quoi faut profiter de la vie!!

Jacynthe a dit...

Elle fait du bien ton histoire, puisqu'elle est vrai. Mais putain ! Pourquoi les gars ne parlent jamais de peur de faire pitié ? L'amour et le soutient ça fait tellement de bien. Moi je ne serais pas capable de m'en passer.

dean a dit...

J'ai bien aimé le fait que tu aies gardé ça pour toi et t'entourer de ceux que tu savais capable de le prendre et de t'épauler!

Chapeau mec!

Brijit a dit...

Ma mère a eu un diagnostic très peu jojo cette semaine... Dianerythme m'a suggérée de passer ici pour lire ce billet... J'ai les yeux dans l'eau et je te dis merci... Est-ce que je peux imprimer ton billet pour le faire lire à ma mère?

Merci Francis, gros câlins à toi...xx